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Délimiter un espace, est-ce le brider ou au contraire l'ouvrir?

  • Photo du rédacteur: Vanessa Evrard
    Vanessa Evrard
  • 4 nov. 2024
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 29 mars


 

→ Les délimitations, qu’elles soient naturelles ou créées par l’Homme, façonnent la manière dont nous percevons et utilisons l’espace qui nous entoure. Le concept de délimitation est essentiel dans l’aménagement et dans l’organisation de l’espace. Il ne se cantonne pas seulement à la fonction de la zone en question, mais il influe également sur la façon dont les individus se déplacent, circulent et éprouvent des émotions dans un lieu donné. Le fait de délimiter l’espace est alors étroitement lié à la dimension physique et psychique de l’Homme. Mon intérêt pour cette question provient de ma curiosité envers la façon dont les chemins sont tracés, comment ils invitent les individus à déambuler et à observer leur environnement.



I/ DÉLIMITER L’ESPACE AVEC DES FRONTIÈRES VISIBLES...



LA BARRIÈRE VISUELLE PARTIELLE


Sa volonté est d’effacer les frontières physiques imposées, en liant des zones conflictuelles par un élément de jeu simple, dans le but de réunir pacifiquement les individus. Ainsi, la frontière n’existe pas uniquement à des fins de blocages, mais elle semble être gommée en portant des symboles d’union et de fraternité, qui dépassent les conflits politiques.
Publication datant de 2019, issue du réseau social Instagram, par @rrael (Ronald RAEL)

Sa volonté est d’effacer les frontières physiques imposées, en liant des zones conflictuelles par un élément de jeu simple, dans le but de réunir pacifiquement les individus. Ainsi, la frontière n’existe pas uniquement à des fins de blocages, mais elle semble être gommée en portant des symboles d’union et de fraternité, qui dépassent les conflits politiques.





Prenons l’exemple du Penthouse de Broadway à New-York aux Etats-Unis, conçu par Joel SANDERS. Ce loft présente une variation significative des hauteurs de plafond pour délimiter les différentes zones de manière subtile. La cuisine fait partie de l’unité architecturale, car elle est liée à l’escalier par un plan horizontal, servant à la fois d’assise et de bordure cernant la végétation intérieure.     Cette bordure se transforme ensuite en escalier pour se mouvoir complètement aux marches en noyer. Les surfaces sont dynamiques et semblent lier verticalement l’intérieur au toit-terrasse, comme si la délimitation successive guidait le visiteur vers l’extérieur.
Penthouse Broadway par Joel SANDERS Architect Photographies : Peter Aaron (OTTO)

Prenons l’exemple du Penthouse de Broadway à New-York aux Etats-Unis, conçu par Joel SANDERS. Ce loft présente une variation significative des hauteurs de plafond pour délimiter les différentes zones de manière subtile. La cuisine fait partie de l’unité architecturale, car elle est liée à l’escalier par un plan horizontal, servant à la fois d’assise et de bordure cernant la végétation intérieure.


Cette bordure se transforme ensuite en escalier pour se mouvoir complètement aux marches en noyer. Les surfaces sont dynamiques et semblent lier verticalement l’intérieur au toit-terrasse, comme si la délimitation successive guidait le visiteur vers l’extérieur.



LA PROMENADE ARCHITECTURALE


LE CORBUSIER indique l’idée d’un itinéraire à parcourir, et plus précisément, en 1929, le thème d’une promenade architecturale* apparaît pour parler de La Maison La Roche située à Paris, dans le 1er volume de L’OEuvre complète. L’architecte évoque :


« […] le spectacle architectural s’offre tout de suite au regard ; on suit un itinéraire et les perspectives se développent avec une grande variété ; on joue avec l’afflux de la lumière éclairant les murs ou créant des pénombres. Les baies ouvrent des perspectives sur l’extérieur où l’on retrouve l’unité architecturale ».
Plan de la Maison La Roche, construite et conçue entre 1923 et 1925 à Paris, par LE CORBUSIER et Pierre JEANNERET. Agence Pierre-Antoine GATIER. Photographies : FLC/ADAGP - Fred BOISSONNAS.
« […] le spectacle architectural s’offre tout de suite au regard ; on suit un itinéraire et les perspectives se développent avec une grande variété ; on joue avec l’afflux de la lumière éclairant les murs ou créant des pénombres. Les baies ouvrent des perspectives sur l’extérieur où l’on retrouve l’unité architecturale ».

BOESIGER Willy, STONOROV Oscar. Le Corbusier - OEuvre Complète. Vol. 1. LES ÉDITIONS D’ARCHITECTURE, 1910-1929.


La Promenade architecturale* peut être définie de la manière suivante :

«[…] se compose de trois éléments essentiels : tout d’abord l’utilisation de divers moyens architecturaux pour créer une entrée qui suscite la curiosité du spectateur et le pousse à aller au-delà, deuxièmement la production de points de vue variés et multiples et enfin, le maintien du rapport entre les fragments et l’unité architectural».

II/ ...UNE ZONE DÉLIMITÉE NE POSSÈDE PAS FORCÉMENT DE BORNES CONCRÈTES...


L’ATMOSPHÈRE : UNE LIMITE ILLUSOIRE


L’artiste-peintre Claude MONET parvient à transmettre la vision d’une atmosphère paisible et chaleureuse dans son oeuvre Impression, soleil levant, en matérialisant la lumière naturelle. Pour lui, la lumière est semblable à une matière qui n’a plus de borne et qui se propage sur toutes les surfaces qu’elle croise. Toutefois, cette source lumineuse semble être balayée par une brise matérialisée à travers les reflets des vagues et de l’eau. Malgré les extrémités imposées par le cadre du tableau, l’oeuvre peut faire réagir l’observateur de manière émotionnelle et sensorielle. En effet, l’artiste parvient à le transporter sans limites sur le lieu dépeint.
Claude MONET, Impression, soleil levant (1872). Huile sur toile, 50 x 65 cm, inv. 4014, Paris, musée Marmottan Monet. Image : Bridgeman Image

L’artiste-peintre Claude MONET parvient à transmettre la vision d’une atmosphère paisible et chaleureuse dans son oeuvre Impression, soleil levant, en matérialisant la lumière naturelle. Pour lui, la lumière est semblable à une matière qui n’a plus de borne et qui se propage sur toutes les surfaces qu’elle croise. Toutefois, cette source lumineuse semble être balayée par une brise matérialisée à travers les reflets des vagues et de l’eau. Malgré les extrémités imposées par le cadre du tableau, l’oeuvre peut faire réagir l’observateur de manière émotionnelle et sensorielle. En effet, l’artiste parvient à le transporter sans limites sur le lieu dépeint.


INFLUENCES MULTI-SENSORIELLES DE LA DÉLIMITATION


« Pour la majorité des gens, l’expérience de l’architecture et de l’espace demeure essentiellement visuelle. L’architecture ce sont les bâtiments. Et l’espace, c’est le vide contenu entre les parois. Et c’est ici que réside le malentendu, car l’espace, ce n’est pas du vide, mais bien un véritable milieu de vie enclos dans les murs, milieu de vie stimulant les sens. L’espace, ce sont des ombres et des lumières, des proportions et des couleurs, des perspectives et des décors, données visuelles, mais aussi des sons qui se réverbèrent, des surfaces qui foulent nos pieds, des textures que l’on touche, des températures qui nous mettent à l’aise et des odeurs qui nous enveloppent et nous séduisent. Toute chose qui s’additionne alors, multiplie leurs effets en un ensemble que nous percevons comme un “entourement global” ».

CRUNELLE, Marc. Toucher, audition et odorat en architecture. Paris: Editions Scripta, 2001, 123 p. Ouvrage.


LA RELATION ENTRE LES ZONES PLEINS-VIDES SINGULARISE L’ESPACE


L’oeuvre de Richard SERRA Délinéateur, réalisée entre 1974 et 1975, illustre bien cette théorie, car la sculpture ne présente pas de limite. Il s’agit d’une plaque au sol, une autre au plafond ; et un espace est généré entre les deux. La juxtaposition de ces plaques d’acier, engendre un volume d’espace, où l’on distingue un espace interne d’un espace extérieur et présente des ouvertures, des directions, haut, bas, droite et gauche… Le vide présent entre ces deux rectangles pleins joue alors un rôle primordial dans le fait de mettre en avant des zones intangibles. Il est donc possible d’expérimenter le dedans, le dehors et ces deux principes simultanément, car l’utilisateur fait corps avec ce volume.
Richard SERRA, Artists Rights Society (ARS), 2023, New York - Photographie : Le Musée d’Art Moderne

L’oeuvre de Richard SERRA Délinéateur, réalisée entre 1974 et 1975, illustre bien cette théorie, car la sculpture ne présente pas de limite. Il s’agit d’une plaque au sol, une autre au plafond ; et un espace est généré entre les deux. La juxtaposition de ces plaques d’acier, engendre un volume d’espace, où l’on distingue un espace interne d’un espace extérieur et présente des ouvertures, des directions, haut, bas, droite et gauche… Le vide présent entre ces deux rectangles pleins joue alors un rôle primordial dans le fait de mettre en avant des zones intangibles. Il est donc possible d’expérimenter le dedans, le dehors et ces deux principes simultanément, car l’utilisateur fait corps avec ce volume.


III/ ...L’EXISTENCE D’ESPACE ENTRE-DEUX


L’ESPACE ENTRE-DEUX OU L’ESPACE GÉNÉRATEUR DU MYSTÈRE


Le Temple de Bouddha à Sapporo au Japon, conçu par l’architecte Tadao ANDO met en valeur d’une imposante statue de pierre Bouddha, alors que celle-ci est isolée dans un coin de cimetière. Pour la découvrir, le visiteur doit traverser un tunnel de béton sombre et rectiligne qui permet d’atteindre la statue illuminée par le puits de lumière. L’architecte utilise ce tunnel comme outil de théâtralisation, en travaillant par différents paliers à travers le jeu progressif de lumière. Ce passage sert donc de guide transitionnel ; donnant ainsi une dimension spirituelle au lieu.
Croquis personnel du Temple de Bouddha : Tadao ANDO Architect & Associates

Le Temple de Bouddha à Sapporo au Japon, conçu par l’architecte Tadao ANDO met en valeur d’une imposante statue de pierre Bouddha, alors que celle-ci est isolée dans un coin de cimetière. Pour la découvrir, le visiteur doit traverser un tunnel de béton sombre et rectiligne qui permet d’atteindre la statue illuminée par le puits de lumière. L’architecte utilise ce tunnel comme outil de théâtralisation, en travaillant par différents paliers à travers le jeu progressif de lumière. Ce passage sert donc de guide transitionnel ; donnant ainsi une dimension spirituelle au lieu.



INTRODUIRE DES ÉLÉMENTS MOBILES DANS LA FRAGMENTATION


La subdivision des surfaces est habile : cette maison démontre une adaptabilité multifonctionnelle, notamment dans le salon central du premier étage. En effet, ce grand salon lumineux peut être scindé en différents espaces, à l’aide de cloisons flexibles. Pendant la journée, l’étage supérieur est un espace ouvert, mais le soir, la famille SCHRÖDER peut diviser l’espace en trois pièces distinctes. Une chambre est réservée aux filles, une autre au fils, et une pièce avec une table et un poêle sert de salon. En fragmentant les zones de la maison avec des codes de couleur, des formes et des cloisons mobiles, l’architecte parvient à transcender la notion de délimitation, car celle-ci évolue  constamment. Un espace qui est clos permet à un autre de s’ouvrir, et ainsi de suite.
Gerrit RIETVELD, Maison Schröder : intérieur de la chambre d’enfants, 1er étage, 1924 Utrecht, Collection Centraal Museum, Archives Rietveld - Schröder- Adagp, Paris.

La subdivision des surfaces est habile : cette maison démontre une adaptabilité multifonctionnelle, notamment dans le salon central du premier étage. En effet, ce grand salon lumineux peut être scindé en différents espaces, à l’aide de cloisons flexibles. Pendant la journée, l’étage supérieur est un espace ouvert, mais le soir, la famille SCHRÖDER peut diviser l’espace en trois pièces distinctes. Une chambre est réservée aux filles, une autre au fils, et une pièce avec une table et un poêle sert de salon. En fragmentant les zones de la maison avec des codes de couleur, des formes et des cloisons mobiles, l’architecte parvient à transcender la notion de délimitation, car celle-ci évolue

constamment. Un espace qui est clos permet à un autre de s’ouvrir, et ainsi de suite.


Il est possible de distinguer trois niveaux d’emboîtements qui semblent se diriger de l’extérieur vers l’intérieur. Cela génère alors plusieurs degrés d’intimité, de protection, mais aussi de liberté et de mouvements dans cette maison.
N House, par Sou FUJIMOTO Architectes - 2008 - Ōita, Japon - Image : ArchDaily



Il est possible de distinguer trois niveaux d’emboîtements qui semblent se diriger de l’extérieur vers l’intérieur. Cela génère alors plusieurs degrés d’intimité, de protection, mais aussi de liberté et de mouvements dans cette maison.





 

→ Cette compréhension approfondie de la relation entre les limites tangibles et intangibles, les espaces entre-deux et la création de zones transitionnelles, offre une base solide pour aborder les projets d'architecture d'intérieur. Ainsi, cette étude théorique se traduira pratiquement dans la conception de lieux qui vont au-delà des frontières traditionnelles, créant des atmosphères uniques et engageantes pour ceux qui les fréquenteront.

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